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Aux États-Unis, en Italie et au Japon, les physiciens écoutent les vibrations du cosmos sous la forme d’ondes gravitationnelles. Grâce à des interféromètres géants, nommés Ligo, Virgo et Kagra, ils traquent les infimes vibrations de l’espace-temps. Ces dispositifs, constitués de cavités de plusieurs kilomètres de longueur dans lesquelles circulent des faisceaux laser, doivent déceler des variations de longueur inférieure au diamètre du noyau d’un atome. Pour atteindre une telle sensibilité, toutes les sources de perturbations doivent être éliminées. L’une des plus importantes d’entre elles est liée à la qualité du verre qui recouvre les miroirs réfléchissant la lumière laser aux extrémités des cavités. En utilisant du verre de la meilleure qualité possible, les chercheurs veulent limiter la dissipation d’énergie dans ces miroirs et améliorer encore la précision des mesures.
À l’instar de la traque des ondes gravitationnelles, de nombreux autres domaines exigent d’intégrer aux technologies de pointe qui leur sont consacrées un verre d’une qualité toujours supérieure. Par exemple, le fonctionnement de certains ordinateurs quantiques nécessite d’atteindre des niveaux de cohérence quantique sans précédent. La moindre perturbation peut réduire à néant cette cohérence. Or les composants vitreux des circuits quantiques sont encore une fois une source de dissipation non désirée. Produire des matériaux vitreux limitant ces désagréments serait un pas décisif dans la mise au point de ces technologies révolutionnaires.
Les plus anciennes traces de verre manufacturé ont été trouvées en Mésopotamie et remontent au cinquième millénaire avant notre ère. Ce matériau se retrouve partout aujourd’hui, aussi bien dans les objets du quotidien que dans la réalisation d’œuvres d’art, comme les célèbres verres de Murano.
Il est présent en architecture, dans l’industrie pharmaceutique ou encore dans les fibres optiques du réseau internet. Les propriétés physiques du verre, comme sa transparence, son homogénéité, sa rigidité, sa résistance et sa durabilité en font un matériau de choix adapté à de nombreuses applications. Si les techniques de fabrication n’ont cessé de progresser au fil des siècles, peut-on encore améliorer la qualité du verre pour atteindre les exigences des technologies de demain ?
Existerait-il un verre « idéal », qui exploiterait les qualités tant recherchées du verre, et s’affranchirait des défauts qui limitent encore ses applications futures ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est peut-être le cas.
Un état de la matière
Le « verre idéal » serait un état de la matière répertorié par les physiciens, un état conjecturé dès 1948 par le chimiste américain Walter Kauzmann. Ses propriétés physiques restent à préciser mais pourraient répondre à la demande des interféromètres géants et des ordinateurs quantiques. Cependant, un épineux obstacle se dresse sur cette piste. À l’heure actuelle, plus de soixante-dix ans après la formulation de cette idée, nous ne savons toujours pas si le verre idéal existe : une telle phase de la matière n’a été ni observée directement, ni établie par des calculs rigoureux pour des verres modèles dans un espace physique à trois dimensions. Et si le verre idéal existe bel et bien, peut-on le

L'essentiel
La structure du verre correspond à celle, désordonnée, d’un liquide. Il y a soixante-dix ans, il a été suggéré qu’un état parfaitement désordonné de la matière était possible : le verre « idéal ».
D’un point de vue théorique, des résultats récents indiquent que cette phase particulière pourrait bien exister.
Expérimentalement, les spécialistes ont mis au point une méthode de fabrication du verre qui contourne le problème du refroidissement extrêmement lent nécessaire pour fabriquer le verre idéal. Par dépôt de molécules en phase gazeuse, ils produisent des verres ultrastables.
Les simulations numériques ont été optimisées ces dernières années. Elles confirment les données expérimentales et permettent une analyse des propriétés des verres à l’échelle de la molécule.
Références
C. Scalliet et al., Depletion of two-level systems in ultrastable computer-generated glasses, Physical Review Letters, 2020.
G. Parisi et al., Theory of simple glasses : exact solutions in infinite dimensions, Cambridge University Press, 2020.
L. Berthier et al., Configurational entropy of glass-forming liquids, Journal of Chemical Physics, 2019.
A. Ninarello et al., Models and algorithms for the next generation of glass transition studies, Physical Review X, 2017.
L. Berthier et M. D. Ediger, Facets of glass physics, Physics Today, 2016.
S. F. Swallen et al., Organic Glasses with exceptional thermodynamic and kinetic stability, Science, 2007.