Etude de l'interface lamellaire éponge

Parmi les nombreuses mésophases de surfactants (système lyotrope), les phases  éponge  et lamellaire présentent des propriétés communes. Aux échelles nanométriques, elles possèdent la même structure locale : les molécules amphiphiles forment une surface immergée dans le solvant. Les deux phases ne diffèrent donc que par leur topologie, les membranes s’organisant en couches parallèles dans la phase lamellaire alors que la membrane de la phase désordonnée éponge sépare le solvant en deux milieux enchevêtrés et équivalents. Leur gonflement peut être très important (distances caractéristiques maximales >1000Å).
Ces deux phases coexistant dans de nombreux diagrammes de phase, nous nous sommes intéressés à l’étude de leur interface. Les problèmes soulevés portent à la fois sur des aspects macroscopiques et microscopiques. Ainsi, les premières observations de formes de gouttelettes de phase lamellaire complexes montraient l’existence d’un tilt des lamelles à l’interface[1], expliqué par une épitaxie entre les deux phases[2][3] due à la continuité de la membrane à l’interface.
Ces gouttelettes possèdent de nombreux points communs avec les bâtonnets observables lors de la croissance de SmA dans la phase isotrope de certains cristaux liquides thermotropes. En effet la croissance de la phase lamellaire dans la phase éponge s’accompagne de la nucléation de défauts macroscopiques propres à ces cristaux 1-D déformables. Outre l’assemblage habituel de domaines attachés à des coniques focales (singularités lignes) ou  à des points singuliers, les textures présentent des organisations originales (singularités surfaces), pouvant se décrire à partir de parois de courbure[4][5].
Enfin, une explication qualitative des différents régimes de croissance et des formes observées est obtenue en combinant les résultats classiques sur les défauts macroscopiques et les études théoriques et expérimentales de la croissance des solides loin de l’équilibre. Ainsi, la compétition entre facettage volumique et facettage en surface est à l’origine de certaines brisures de symétrie  lors de la croissance [6] et explique le polymorphisme des gouttes.
En raison de ces diverses caractéristiques, le domaine de coexistence lamellaire éponge m'a servi de système expérimental modèle pour étudier le confinement des smectiques soumis à un ancrage orientationnel et m'a permis d'apporter des réponses nouvelles à d'anciens problèmes comme celui des réseaux réguliers de défauts apparaissant dans une couche mince lamellaire [7] ou encore quelques aspects du confinement macroscopique [8] des smectiques soumis à des ancrages forts.
 

Références :

[1]   Quilliet C., Blanc C. and Kleman M., Phys. Rev. Lett., 77, 522 (1996).
[2]   Lavrentovich O., Quilliet C. and Kleman M., Phys. Chem. B, 101, 420 (1997).
[3]   Blanc C., Sanseau O., Cabuil V., Molecular Crystals and Liquid Crystals, 332, 523 (1999).
[4]   Blanc C. and Kleman M., Eur. Phys. J. B, 10, 53 (1999).
[5]   Blanc C. and Kleman M., Molecular Crystals and Liquid, 351, 127 (2000).
[6]   Blanc C. and Kleman M., Molecular Crystals and Liquid, 332, 585 (1999).
[7]   Blanc C. and Kleman M., Phys. Rev. E, 62, 6739 (2000).
[8]   Blanc C. and Kleman M., Eur. Phys. J. E, 4, 241 (2001).
[9]   Blanc C. ,Phys. Rev.E, 64,011702 (2001).
[10] Blanc C., Soft Materials, 1, 63 (2002).