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En synthétisant des feuillets de nitrure de bore contenant des proportions différentes des deux isotopes du bore, des physiciens viennent de montrer comment la masse du noyau atomique affecte les propriétés physiques du composé, et notamment la distance et force d’attraction entre feuillets voisins.
Les isotopes d’un même élément chimique diffèrent par le nombre de neutrons présents dans leur noyau. Les différences de masse et de spin nucléaire qui en découlent ont de nombreuses conséquences sur les propriétés des matériaux élaborés à partir de ces divers isotopes : décalage en énergie des modes de vibration, propriétés électroniques modifiées et même décalage de la température de transition pour les supraconducteurs. Dans ce contexte, des physiciens du Laboratoire Charles Coulomb, de l’Institut Européen des Membranes, de l’Institut des Sciences de la Terre Jaume Almera du CSIC à Barcelone, et de l’Université d’État du Kansas viennent d’analyser les effets isotopiques dans le nitrure de bore hexagonal. Ils ont notamment démontré que la nature isotopique du bore entrant dans ce composé lamellaire affecte les forces de Van der Waals qui assurent la cohésion entre les couches monoatomiques superposées. Ce travail est publié dans la revue Nature Materials.
Le bore naturel est composé de 20 % d’atomes 10B et 80 % d’atomes 11B. Pour ce travail, les physiciens ont tout d’abord synthétisé du nitrure de bore hexagonal, à partir de bore naturel ainsi qu’à partir de chacun des deux isotopes purifiés. Ils ont alors effectué des mesures sur ces trois matériaux au moyen de plusieurs techniques complémentaires, notamment la diffraction de rayons X, la spectroscopie Raman et la photoluminescence en ultraviolet profond. Ces mesures ont montré des différences significatives entre les densités électroniques de ces composés.
Plus spécifiquement, les chercheurs ont tout d’abord revisité, dans le composé lamellaire modèle que constitue le nitrure de bore hexagonal, les effets bien connus dans les semiconducteurs cubiques, de décalage énergétique des modes vibrationnels et électroniques avec la masse de l’isotope : dans le nitrure de bore hexagonal, l’énergie des phonons diminue bien avec la masse du bore, alors que l’énergie de bande interdite augmente. En revanche, l’effet de la purification isotopique sur les forces de Van der Waals assurant la stabilité des composés lamellaires restait inexploré. En diminuant la masse du bore, les chercheurs ont mis en évidence une augmentation de l’exposant décrivant la loi de puissance reliant la distance inter-feuillet à l’énergie des modes de cisaillement entre feuillets. D’autre part, ils ont montré une augmentation de la contribution des modes de respiration entre feuillets à l’élargissement thermique des raies d’émission. Enfin, ils ont pu observer directement la déformation des nuages électroniques dans les cristaux purifiés en 10B et 11B.
Par le biais du couplage électron-phonon, le changement de masse de 10 % entre 10B et 11B modifie les forces de van der Waals entre les feuillets du nitrure de bore hexagonal, avec une exaltation de quelques pourcents dans 10BN par rapport à 11BN.
En savoir plus :
Isotope engineering of Van der Waals interactions in hexagonal boron nitride
T. Q. P. Vuong, S. Liu, A. Van der Lee, R. Cusco, L. Artus, T. Michel, P. Valvin, J. H. Edgar, G. Cassabois et B. Gil
Nature Materials (2017), doi : 10.1038/nmat5048
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Contact chercheur
Guillaume Cassabois, Professeur à l’Université de Montpellier
Bernard Gil, directeur de recherche au CNRS
Informations complémentaires
Laboratoire Charles Coulomb (L2C, CNRS/Univ. Montpellier)
Institut Européen des membranes (IEM, CNRS/ENSC Montpellier/Univ.Montpellier)
Institut Jaume Almera Consejo superior de investigaciones cientificas - Barcelone (CSIC)
Kansas State University