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Le vide quantique, à la différence du vide classique, est toujours peuplé de particules virtuelles qui ne peuvent jamais être éliminées. Ces dernières sont le résultat des fluctuations du vide quantique et donnent lieu à des forces réelles, dites forces de Casimir-Lifshitz, agissant entre deux corps macroscopiques séparés par des distances submicroniques, et dont généralement l’intensité augmente à mesure que la séparation diminue.
Cette rare manifestation macroscopique de la physique quantique, avec la tendance à la miniaturisation dans l’industrie des semi-conducteurs, devient un effet incontournable dans les micro/nano-systèmes électromécaniques (MEMS/NEMS) largement employés dans les technologies d’usage quotidien.
Une propriété remarquable de la force de Casimir est sa dépendance non triviale à la géométrie des objets en interaction. De légers écarts par rapport à la configuration standard (deux plaques parallèles), peuvent considérablement modifier la force en fonction de la géométrie et des propriétés optiques des matériaux.
Dans une collaboration [1] entre théoriciens (une équipe française du L2C, CNRS-Université de Montpellier, une équipe française du LCF, et une équipe chinoise de la New York University Shanghai) et expérimentateurs (équipe hongkongaise de la Hong Kong University of Science and Technology), les forces de Casimir ont été explorées dans une nouvelle configuration constituée de surfaces nanostructurées et ce dans l’objectif de sculpter le vide quantique et ainsi de mieux comprendre et contrôler cette force.
La force de Casimir a été donc mesurée entre deux réseaux rectangulaires en silicium sur une plateforme ad hoc permettant leur interpénétration (voir figure). La possibilité d’interpénétrer les deux réseaux micrométriques tout en gardant le parallélisme et la sensibilité de la mesure était l’enjeu expérimental majeur. Du point de vue théorique, la complexité venait de la difficulté de prédire avec précision et sans paramètres d’ajustement les fluctuations du vide quantique dans cette géométrie.
Juste avant l’interpénétration, la force de Casimir mesurée possède une dépendance géométrique beaucoup plus forte que dans les expériences précédentes et manifeste un caractère hautement non-additif. Après l’interpénétration, la force manifeste plusieurs régimes, dont le plus intéressant est caractérisé par une large plage ou elle reste constante indépendamment du déplacement.
Cette découverte montre que la présence de réseaux peut modifier fortement la force de Casimir et introduit un autre degré de liberté dans la manipulation par le vide quantique des composants nanomécaniques, avec des applications prometteuses dans les systèmes et dispositifs micro/nano-technologiques.
Bibliographie :
[1] « Strong geometry dependence of the Casimir force between interpenetrated rectangular gratings »,
M. Wang, L. Tang, C.Y. Ng, R. Messina, B. Guizal, J.A. Crosse, M. Antezza, C. T. Chan, H.B. Chan
Nature Communications 12, 600 (2021)
DOI : https://doi.org/10.1038/s41467-021-20891-4
arXiv : https://arxiv.org/abs/2009.02187
web : https://sites.google.com/site/mauroantezza/home