Laboratoire Charles Coulomb UMR 5221 CNRS/UM2 (L2C)

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Fait marquant L2C : Un mélange de polymères et de nanoparticules dans l’eau comme analogue colloïdal d’un alliage métallique.

par David CASSAGNE - publié le , mis à jour le

En couverture de l’édition du 21 juin 2012 de la revue Soft Matter

La plupart des métaux et céramiques sont constitués d’agrégats de grains cristallins, séparés par des réseaux de défauts bidimensionnels, les joints de grains. La texture, c’est-à-dire l’organisation spatiale et la taille moyenne des grains, joue un rôle essentiel dans les propriétés mécaniques macroscopiques des matériaux polycristallins. Cependant les mécanismes élémentaires de réorganisation des matériaux polycristallins sont encore mal compris. En effet, les techniques expérimentales actuelles ne permettent pas de visualiser la dynamique sous contrainte et les simulations numériques ne donnent accès qu’à des temps très courts. Pour pallier à ces limites, une équipe de physiciens du Laboratoire Charles Coulomb à Montpellier a conçu un nouveau matériau composite souple, à base de polymère et de nanoparticules dans l’eau, qui permet une modulation fine et contrôlée de la texture. Les atouts de ces polycristaux originaux sont leurs tailles et temps caractéristiques bien plus grands que celles des polycristaux atomiques ou moléculaires, leur consistance et leur transparence optique. Ils devraient permettre d’obtenir des informations sans précédent résolues dans l’espace et dans le temps sur la déformation de polycristaux sous contrainte.

Visualisation par microscopie confocale de la texture de polycristaux colloïdaux.

Les chercheurs ont choisi un polymère commercial, composé d’un bloc central chimiquement différent des deux blocs aux extrémités. L’originalité de ce polymère est que l’affinité de la partie centrale pour l’eau dépend de la température : à une température de quelques °C, le polymère présente une grande affinité pour l’eau. En revanche, à température ambiante, le bloc central a une affinité réduite pour l’eau, il devient hydrophobe, alors que les deux blocs aux extrémités sont toujours hydrophiles. En conséquence, le polymère devient amphiphile et s’auto-assemble dans l’eau en formant des objets sphériques, les micelles, de manière à protéger sa partie centrale de l’eau. Lorsque la concentration en micelles est suffisamment grande celles-ci s’arrangent sur un réseau cristallin, à l’instar des atomes dans un métal. On parle ici de cristal colloïdal, du fait des grandes tailles caractéristiques (la maille élémentaire est de l’ordre de 30 nm, soit 2 ordres de grandeur supérieur à celle d’un métal). Grâce à ces propriétés thermosensibles, en jouant sur la vitesse de passage de la phase fluide à basse température à la phase solide cristalline à température ambiante, les chercheurs ont démontré que l’on peut contrôler la texture de l’échantillon. De plus, les chercheurs ont ajouté de faibles quantités de nanoparticules (de l’ordre du %), de taille comparable à celle des micelles, qui jouent le rôle d’impuretés dans les cristaux atomiques. Une visualisation par microscopie confocale lors de la croissance de la phase cristalline montre en effet que les nanoparticules sont expulsées de la phase cristalline à mesure que celle-ci croit et se concentre de fait dans les joints de grains. C’est précisément grâce à l’accumulation des nanoparticules dans les joints de grains que les réseaux tridimensionnels de joints de grains ont pu être visualisés par microscopie confocale et analysés.
En adaptant des théories existantes pour la nucléation et la croissance d’une phase cristalline dans une phase liquide aux spécificités de leurs matériaux, l’équipe a pu expliquer et modéliser comment la vitesse d’augmentation de la température et la concentration en nanoparticules contrôlent la taille moyenne des grains du polycristal. Les observations expérimentales présentent des analogies fascinantes avec certaines propriétés bien connues des métaux. On peut donc considérer ces matériaux originaux comme des analogues colloïdaux d’alliages métalliques.

Contact :
Laurence Ramos, chercheur
Laboratoire Charles Coulomb, UMR 5221, Univ. Montpellier 2 - CNRS

Référence :
N. Ghofraniha, E. Tamborini, J. Oberdisse, L. Cipelletti and L. Ramos
« Grain refinement and partitioning of impurities in the grain boundaries of a colloidal polycrystal »
Soft Matter 8, 6214-6219 (2012).


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